C’est l’histoire d’un des plus gros avions de la flotte européenne, un appareil gigantesque de 60 millions de places, un titan de fer aux soutes chargées d’Histoire et qui, à l’heure de l’escale, attend qu’on désigne son commandant de bord pour le prochain trajet.
Le plan de vol à la main, il a fier allure le commandant en question, dans son beau costume bleu marine aux galons dorés, et lorsqu’il pénètre dans la cabine de pilotage sous le regard révérencieux de l’équipage, on pourrait presque croire qu’il sait à quoi servent tous les voyants, boutons, écrans, cadrans et manettes qui s’accumulent sur le tableau de bord de 5 mètres. Seulement voilà, à l’heure de se caler dans ce qui semble être son siège pour saisir le manche et mettre les pieds sur le palonnier, une main le retient. Manucurée comme il se doit, la main est accroché au bras gracieux d’une l’hôtesse en chef, 90/60/90, qui met toute sa douceur, son professionnalisme et ses escarpins au service d’un simple rappel : « S’il vous plait, Monsieur, ne touchez à rien.
– Comment ça, « ne touchez à rien » ? Je suis le commandant de bord, Mademoiselle ! Je touche si je veux ! Et je vois mal d’ailleurs comment je pourrais piloter cet appareil si je ne peux pas accéder à ses commandes !
– J’entends bien monsieur, mais le fait qu’on vous ait nommé commandant de bord n’implique pas que vous pilotiez l’appareil…
– C’est un peu fort, jeune fille ! Après des années en école de pilotage, des heures de vol d’entraînement, après avoir passé un entretien d’embauche d’un mois et demi avec 60 millions de personnes, après avoir finalement décroché le poste, vous voudriez me faire croire que je n’ai pas le droit de faire mon travail ? Et qui donc, si ce n’est moi, va le piloter ce foutu engin ?
– J’allais justement vous présenter l’équipage et ses attributions, à commencer par Monsieur Bercy, qui s’occupera de la manette des gaz et veillera au niveau de l’altidette, en concertation avec nos passagers de première classe.
– Vous voulez me faire croire que les passagers sont consultés pour le pilotage de l’appareil ?
– Pas n’importe quels passagers, monsieur : juste ceux de première classe, les banquiers, les financiers et les principaux PDG de l’appareil… D’ailleurs, ils viennent de me communiquer le cap de ces 5 prochaines années.
– Mais c’est scandaleux ! Je suis le commandant de bord, tout de même ! Ce n’est pas une bande de fumeurs de cigares qui vont me dire dans quel couloir aérien je dois voler !
– Non, effectivement. Ca, c’est le rôle de Madame Europe, qui communique avec nous par radio.
– Allons bon ! Et vous allez me dire que je n’aurais même pas à prendre les commandes en cas de gros orage ou de vent de travers ?
– Rassurez-vous, à la moindre alerte de Madame Bourse, Monsieur Bercy validera les modifications du plan de vol avec la première classe et Madame Europe.
– Mais c’est scandaleux : on ne m’a jamais averti de tout cela lors des entretiens d’embauche ! Du coup, je me demande bien ce que je suis venu faire ici. Hein ? A quoi je sers, moi, dans cette carlingue ?
– A quantité de choses, tout de même. D’abord, vous nommez les chefs de cabines. C’est important ça ! Car en concertation avec eux, vous définirez ensuite les grandes lignes de notre politique de confort : films à projeter aux passagers, contenu des plateaux repas, tissu des sièges… Vous devrez aussi vous assurer que tout le monde à bord a bien payé son billet, que les gens se comportent décemment et surtout, surtout, vous les rassurerez avec votre belle voix en cas de trou d’air, d’intempérie ou de virage un peu serré.
– Et c’est tout ?
– Pour l’essentiel, oui. Mais soyez confiant : le pilotage automatique a réussi à tous vos prédécesseurs, il n’y a pas de raison que quoi que ce soit se passe mal cette fois-ci… Et puis le bon côté des choses, c’est que ça peut vous laisser du temps libre pour vos loisirs. Vous bricolez ?
– Non.
– Jardinez ?
– Non plus.
– Vous avez bien un passe-temps ?
– Ben oui mais non. Dans l’idéal, j’aurais voulu être un artiste pour pouvoir faire mon numéro, quand l’avion se pose sur la piste à Rotterdam ou à Rio. Mais avec tous ces foutus cours de pilotage, j’ai jamais pris le temps de me mettre à la musique…
– Allons bon, vous savez qu’on a Internet à bord, ce qui veut dire qu’on a AudioFanzine.
– Qui c’est celui-là ? Encore un co-pilote ?
– Maaaaais non ! juste un site web pour musiciens. Et comme le programme de cette semaine est éclectique, ça pourrait vous donner des idées : envie de faire de la musique de film ? Jetez un œil au test d’Evolve. Plutôt tenté par le DJing ? Renseignez-vous sur la CDMP 2700 de Gemini. Plutôt bassiste dans l’âme ? Vous avez le droit à un splendide dossier sur le choix d’un ampli basse…
– A vrai dire, vu que Giscard a pris l’accordéon et Clinton le sax, je me mettrais bien à la guitare…
– Parfait ! En acoustique, je vous propose une sympathique gratte Yamaha. Tandis qu’au rayon électrique, je vous annonce le test du Mini Rectifier de Mesa Boogie. Si ça, c’est pas de l’éclectisme !
– Hum, je suppose que je pourrai lire tout ça pendant le décollage.
– Excellente idée, tant que vous souriez pour les photographes, faites comme vous le sentez… Toutefois, j’aurais une dernière petite faveur à vous demander…
– Quoi ? Un discours qui fasse le grand écart entre Eric Charden et Adam Yauch ? Une loi sur le harcèlement sexuel ?
– Non, si vous pouviez juste lire au micro cette petite phrase, je suis certaine que ça ferait plaisir à pas mal de passagers…
– Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, c’est votre commandant de bord qui vous parle. Nous nous apprêtons à décoller et la température extérieure ce samedi 5 mai est de 13°. Notre vol durera cinq ans et j’espère qu’il vous sera le plus agréable possible. Sur ce, bon week et à la semaine prochaine. »
Los Teignos
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