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Edito non publié du 22 janvier 2011

Ça a débuté comme ça. Avec un animateur télé devenu ministre de la culture se faisant dicter sa conduite par un avocat, pour ne surtout pas faire de vagues. Il n’était pas si loin ce temps sinistre où l’on brûlait les livres, alors on a fait plus soft, plus présentable : à l’occasion d’une cérémonie vouée à célébrer les plus grands écrivains français, on a effacé, sans grand fracas, le nom  de Louis-Ferdinand Céline, un colosse de l’histoire littéraire, comme si l’art devait se conformer au manichéisme, comme s’il était insupportable d’imaginer et de se souvenir qu’un homme puisse à la fois être un écrivain de génie et un raciste imbécile, comme s’il était impossible que les deux plus grandes figures de la littérature française du XXème siècle soient, et juif pour le cas de Marcel, et antisémite pour celui de Louis-Ferdinand, et que c’est justement dans cette contradiction que réside toute la complexité de la culture française, et toute sa beauté. Comme si, à la fin, il fallait séparer le bon grain de l’ivraie, épurer la culture de ce qui gêne les uns ou les autres, selon leur bon plaisir. Et qui d’autres après ? Lewis Caroll le pédophile ? Rimbaud le trafiquant d’armes ? Les musiciens Phil Spector ou Bertrand Cantat, coupables d’homicides?  Jimi Hendrix, toxicomane ? Miles Davis, souvent grognon à ce qu’il parait ?

Le plus triste dans cette affaire, ce n’est pas tant cette tentative d’effacer l’œuvre de Céline, dont Le Voyage au bout de la Nuit ou Mort à Crédit ont habité quelques uns des plus grands écrivains depuis et continueront de le faire bien après que plus personne ne sera là pour se souvenir de Fréderic Mitterrand ou de Serge Klarsfeld, mais c’est de se dire que si le ministre et l’avocat avaient eu pour intention de fabriquer des antisémites, de ceux qui s’imaginent que je-ne-quelle société secrète dirige le monde dans l’ombre, ils n’auraient pas pu mieux s’y prendre.

Commentaire a posteriori

Pour le contexte, on pourra se reporter à ces divers articles.

Quant au fait que je n’ai pas publié l’édito en question, j’avoue que j’avais juste la flemme de batailler sur cette question à ce moment-là, une semaine après un autre édito qui avait été houleux au niveau des commentaires et qui m’avait pourri le week-end. Pas envie de voir ma position simplifiée par certains, ni de pousser les gens dans des argumentaires délicats. Pas envie d’aboutir à une discussion où les mots ‘fasciste’, ‘nazi’ et ‘anti-sémite’ auraient pu fuser à la légère. Du coup, j’ai opté pour une actu autrement plus légère.

Publié dansEditos

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